L’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) a transmis, le 8 décembre 2025, un rapport accablant au système judiciaire haïtien concernant l’ancien Président Michel Joseph Martelly et son épouse, Sophia Saint-Rémy Martelly. Selon ce document, les deux anciens occupants du Palais National seraient impliqués dans une fausse déclaration de patrimoine caractérisée par des omissions, des irrégularités et l’incapacité à justifier l’origine de certains fonds. L’ULCC recommande l’ouverture d’une action pénale pour faux et usage de faux, mettant en cause la transparence et la sincérité des déclarations faites au sommet de l’État.
Le rapport relève d’importants écarts entre le patrimoine déclaré par Michel Martelly et les constatations de la Commission. En conséquence, l’organisme anticorruption recommande au système judiciaire d’engager une action publique contre l’ancien chef d’État pour fausse déclaration de patrimoine.

L’ULCC note également que les déclarations de patrimoine, tant à l’entrée (2011) qu’à la sortie (2018), étaient tardives et entachées d’irrégularités. La déclaration de sortie a été déposée près de deux (2) ans après la fin du mandat, en violation de la loi. Ces omissions et incohérences sont interprétées par la Commission comme une « volonté réelle de fournir de fausses informations » concernant l’état du patrimoine.
Par ailleurs, l’enquête révèle l’existence d’un patrimoine bancaire très sous-évalué. Douze (12) comptes bancaires institutionnels actifs, dont certains directement liés à la campagne électorale et à la Fondation Rose et Blanc, n’apparaissaient pas dans la déclaration d’entrée en fonction. À la sortie, les relevés bancaires indiquent dix-sept (17) comptes actifs et trois (3) cartes de crédit au nom du couple ou d’entités qu’ils contrôlent, contre seulement six (6) comptes officiellement déclarés.
De plus, l’ULCC soulève de sérieuses interrogations concernant l’origine et la justification des fonds. Les revenus privés déclarés par M. Martelly atteignaient US$ 370,400.00 à la sortie, soit une augmentation de plus de 270 % par rapport à l’entrée en fonction. Or, selon la Commission, aucun document justificatif ne vient attester la poursuite d’activités artistiques ou de conférences durant le mandat présidentiel.
Concernant Sophia Saint-Rémy Martelly, le rapport relève l’omission totale d’un montant de HTG 10,763,588.64 provenant de fonds publics. Alors qu’elle occupait la fonction rémunérée de Conseillère du Président de la République, le revenu familial consolidé lui attribuait également US$ 348,000.00, laissant un écart de US$ 288,000.00 sans explication.
Sur le plan immobilier, l’enquête met en lumière des incohérences significatives. La propriété située à la rue Villate (Pétion-Ville), déclarée à l’entrée en fonction, disparaît de la déclaration de sortie de 2018 sans justification de vente ou de transfert. Parallèlement, de nouveaux biens apparaissent dans la déclaration de sortie sans financement déclaré, notamment une maison acquise à Bois-Neuf (Saint-Marc) en 2012 pour US$ 180,000.00. L’absence de justification sur la source de financement mène à une qualification de « suspicion d’enrichissement illicite ». La Commission relève aussi l’omission, dès la déclaration d’entrée, de plusieurs biens acquis avant la présidence, tels qu’un appartement à Puits-Blain.
Par ailleurs, l’ULCC signale la non-déclaration de plusieurs entités actives ou en sommeil liées au couple Martelly, tant à l’entrée qu’à la sortie de fonction. Le lien entre ces entités (dont GLOBAL VOICE GROUP S.A. et TRANSCOMEAU S.A.) et les fonctions publiques élevées occupées par le couple font apparaître, selon la Commission, des « risques évidents de conflits d’intérêts, de trafic d’influence et d’abus de fonction ».
Au terme de l’enquête, les irrégularités constatées sapent « l’exactitude, la complétude et la sincérité des informations soumises ». Le rapport rappelle que l’ULCC est habilitée à poursuivre toute personne qui « aura fait sciemment une déclaration incomplète, inexacte ou fausse, ou formulé de fausses observations dûment constatées », conformément à l’article 17 de la Loi du 12 février 2008 sur la déclaration de patrimoine. Cette disposition justifie, selon l’organisme, la recommandation de poursuites pénales contre l’ancien chef d’État.
Infolive Haïti
contactinfolive@gmail.com